Les conjoints de fait sont célibataires


par LRV Notaires


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Par : PME INTER Notaires, Me Manon Tousignant

Le mariage n’est plus aussi en vogue qu’à une certaine époque. Pour bien des couples modernes, l’union libre est devenue une véritable vertu. Certains se marieront plus tard, par exemple après avoir eu des enfants, ou même lorsque les enfants seront assez grands pour assister au mariage. Il semble que l’amour hors-mariage apporte un sentiment de sécurité qui fait oublier les conséquences de scénarios tels que la rupture ou le décès. Les récentes études de la Chambre des notaires témoignent des fausses perceptions largement répandues parmi les conjoints de fait. Mais qu’en est-il des droits et de la protection des conjoints l’un envers l’autre advenant un décès ou une séparation? Les conjoints de fait sont-ils unis aux yeux de la loi? Sont-ils considérés davantage que de simples célibataires?

Au nom de la Loi

Selon le Code civil du Québec qui régit l’état matrimonial un citoyen peut être célibataire, marié (ou unis civilement) divorcé ou veuf. Au sens de la Loi, les conjoints de fait sont célibataires, donc réputés être comme de purs étrangers qui ne se connaissent pas! Curieusement, même si vous êtes célibataires (non mariés en vertu du Code civil) au sens de la loi, vous vivez peut-être à deux et vous êtes peut-être conjoints de fait. Donc, certaines autres lois, vous reconnaîtront comme conjoints. Ainsi la Régie des rentes, la Loi sur l’Assurance automobile, les lois sur les impôts, sur l’aide sociale, etc., incluent dans leur définition de conjoint, les conjoints de fait. C’est ce qui créée une grande confusion chez les couples. Il faut savoir que ces définitions de conjoints ne s’appliquent qu’à certaines lois bien précises.

Il est donc clair que les « célibataires » ne bénéficient en aucun cas des protections du mariage tel le patrimoine familial, la protection de la résidence familiale, les droits et obligations conférés par le régime matrimonial…

C’est là que le bât blesse, car dans les perceptions véhiculées au sein de la société, il en va tout autrement. Les conjoints de fait ne sont pas tous au courant que peu importe la durée de leur union et le nombre d’enfants qu’ils ont eu ensemble, ils n’ont aucun lien juridique au sens propre du Code civil, aucune protection advenant la disparition de leur bien-aimé(e) ou lors d’une séparation.

Héritage et succession

L’héritage de la maison et du patrimoine ne fait pas partie de la succession des conjoints de fait, à moins d’avoir rédigé un testament qui désigne spécifiquement le conjoint comme légataire. Le patrimoine familial est un concept qui n’existe pas à moins d’être officiellement liés par un mariage ou une union civile, même si vous êtes en couple et que vous habitez ensemble. Sans testament, le conjoint se retrouve sans protection advenant le décès de son bien-aimé, c’est-à-dire qu’il ne fait pas partie des héritiers légaux. En effet, lors d’un décès, pour les célibataires ou les conjoints de fait sans enfant, 50% de l’héritage ira aux parents et 50% aux frères et sœurs du défunt. S’ils ont eu des enfants, 100% de l’héritage ira à leurs enfants et rien au conjoint (non marié)! L’héritier légal est donc l’enfant avant même le conjoint de fait, qui lui, n’hérite de rien de plus qu’un simple célibataire!

Si un conjoint de fait est l’unique propriétaire de la résidence familiale, il peut la vendre ou l’hypothéquer sans le consentement de l’autre. Plus encore, en cas de rupture, lui seul en gardera l’usage. Il aura aussi le droit de la vendre sans avoir à en partager la valeur avec l’autre. La seule manière d’éviter ce genre de situation est d’acquérir ensemble la propriété et de faire en sorte que les deux noms apparaissent sur l’acte notarié.

Quelle séparation?

Puisque les conjoints de fait n’ont en réalité aucun lien juridique, leur rupture ne représente pas une séparation au sens de la loi. Les ex-conjoints ne se doivent rien et ne partagent a priori aucun actif ou patrimoine. Toutefois, à partir du moment où les conjoints ont des enfants, la notion de pension alimentaire s’applique en regard de l’enfant. L’enfant né d’une union de fait a les mêmes droits et les mêmes obligations que l’enfant issu du mariage ou de l’union civile. Par ailleurs, même s’ils vivent chacun de leur côté, les parents continuent d’exercer conjointement l’autorité parentale.

« Trop de clients et clientes en union libre sont étonnés de n’avoir aucune protection dans le cadre d’une séparation. Beaucoup de jeunes femmes et de jeunes hommes ne le voient pas, ou ne veulent pas le voir. » – Me Tousignant

Prenons l’exemple d’un enfant issu d’une union précédente dont la mère décède, sans testament ou sans contrat de mariage, elle laisse ainsi son conjoint dans l’embarras, puisque le tuteur légal de l’enfant devient son père. La maison devient alors la propriété de l’enfant (dont le tuteur est son père). Imaginez, le conjoint seul devient alors copropriétaire avec l’enfant de sa défunte conjointe et c’est l’ex de la défunte qui gère les actifs de la succession si l’enfant est mineur. Tout un imbroglio!

« Le partage obligatoire du patrimoine familial en cas de rupture ne s’applique qu’aux couples légalement mariés ou unis civilement. Dans le cas des couples en union de fait, le partage des biens cumulés durant la vie commune se fera, faute d’entente, suivant la preuve du droit de propriété. » – Me Tousignant

Hommage au mariage

L’étude du cas d’Éric et Lola nous rappelle que la conjointe ou le conjoint de fait n’a pas droit à la pension alimentaire, même après quinze ans d’union de fait et même si le couple a élevé plusieurs enfants. La situation pourrait changer, mais pour l’heure au Québec, il n’existe aucun droit pour les conjoints de fait advenant une succession ou une séparation.

Il apparaît donc que le mariage apporte encore aujourd’hui une protection importante en cas de succession ou de séparation. Reste que les jeunes se marient de moins en moins de nos jours, une tendance difficile à renverser. Pour ceux qui ne souhaitent pas se marier à l’église, au palais de justice ou même à la maison ou ailleurs devant un notaire ou un célébrant, un simple contrat de vie commune et un testament pourront donner toute la protection nécessaire aux conjoints de fait. Consultez votre notaire pour l’encadrement de votre union libre.



 
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