La reprise du logement : plus complexe qu’il n’y paraît?


par Me Audrey-Ann Lapierre

Notaire, associée - Droit immobilier résidentiel, Terrebonne

alapierre@LRVnotaires.com

450 416-3206 poste 282


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Parmi les droits dont jouit un locataire ayant un bail résidentiel, le droit au maintien dans les lieux, lui permettant de rester dans son logement pour le temps qu’il souhaite, est fondamental. La reprise d’un logement par le propriétaire constituant une exception à ce droit, les règles et les conditions pour y parvenir sont complexes et strictes, d’où l’importance de les démystifier afin d’éviter toutes mauvaises surprises. Ainsi, dans le cadre d’une vente d’immeuble locatif, le nouveau propriétaire, s’il souhaite reprendre possession d’un logement, se doit d’en vérifier les conditions et d’entreprendre les démarches nécessaires, puisque la vente en elle-même n’entraîne pas l’éviction des locataires en matière résidentielle.

Quand la reprise est-elle permise ?

Contrevenant directement au droit au maintien dans les lieux du locataire, le droit de reprise d’un logement pour un propriétaire est possible uniquement dans les cas précis suivants :

  • Si le propriétaire souhaite lui-même habiter le logement;
  • Si le propriétaire souhaite y loger un de ses descendants au premier degré (enfants) ou l’un de ses ascendants au premier degré (parents);
  • Si le propriétaire souhaite y loger un membre de sa famille (incluant les membres par alliance ou un ex-conjoint), dans la mesure où il constitue le principal soutien de cette personne.

Toutes autres situations seront jugées irrecevables par le Tribunal administratif du logement (ci-après « TAL »), autrement connu sous le nom de la Régie du logement. Toutefois, un propriétaire qui ne serait pas dans les cas énumérés ci-haut, a toujours la possibilité de négocier et s’entendre avec son locataire afin de mettre fin au bail.

Quand la reprise n’est-elle pas permise ?

Malgré que le propriétaire puisse être dans l’une des situations ci-avant énumérées, pour que la reprise de logement soit possible, il ne doit pas être dans l’une ou l’autre des situations suivantes :

  • Le propriétaire est une personne morale (compagnie);
  • Il y a plus d’un propriétaire et ils ne sont pas des conjoints (Par exemple, si l’immeuble appartient à deux amis, l’un d’eux ne pourrait pas reprendre un logement pour s’y installer.);
  • Le propriétaire possède un autre logement avec un loyer équivalent, de dimension similaire et est situé à proximité et qui est disponible (Par exemple, un propriétaire ne pourrait pas reprendre un 4 ½, s’il y en a un autre semblable disponible au même étage dans le même immeuble.);
  • Le locataire est âgé de 70 ans ou plus, habite le logement depuis 10 ans ou plus et gagne un revenu équivalent au revenu admissible au logement à loyer modéré.

Comment reprendre le logement ?

Si la reprise est possible, il est impératif d’aviser adéquatement son locataire. Pour ce faire, l’avis doit être écrit dans la même langue que le bail et contenir les informations suivantes :

  • La date prévue de la reprise;
  • Le nom de la personne qui habitera le logement repris et son lien avec le propriétaire;
  • Le passage du Code civil qui concerne les règles sur l’éviction d’une personne aînée.

De plus, pour que la reprise puisse être admissible, l’avis doit être envoyé dans les délais suivants :

  • Si le bail était de plus de 6 mois : 6  mois avant la fin du bail;
  • Si le bail était 6 mois ou moins : 1 mois avant la fin du bail;
  • Si le bail était à durée indéterminée : 6 mois avant la date de reprise.

L’avis devrait être envoyé de façon à ce que le propriétaire ait la preuve de réception de l’avis par le locataire. En effet, suite à la réception de l’avis, le locataire dernier bénéficie d’un mois pour accepter ou refuser la reprise du logement. Il est important de noter qu’un locataire qui ne répond pas à l’avis est présumé avoir refusé la reprise.

Face à un refus du locataire, le propriétaire peut demander l’autorisation du TAL pour reprendre le logement, et ce, au plus tard un mois après que le locataire ait signifié son refus. Il s’agira alors pour le propriétaire de démontrer qu’il entend réellement reprendre le logement conformément à la Loi et qu’il ne s’agit pas d’un prétexte.

Doit-on indemniser le locataire ?

Contrairement à l’éviction d’un locataire, il n’est pas obligatoire d’indemniser le locataire lors d’une reprise, sauf si cela est imposée suite à une décision du TAL.

Pour de plus amples informations à ce sujet, veuillez contacter un de nos notaires spécialisés en droit immobilier ou encore vous pouvez visiter le site du TAL, où vous trouverez une panoplie d’informations à ce sujet.


  1. Il ne faut pas confondre la reprise de logement et l’éviction,
  2. Pour connaître le revenu admissible : Plafonds de revenu (PRBI), loyers médians et grilles de pondération - Société d'habitation du Québec (gouv.qc.ca)
  3. Pour un modèle d’avis : U:\MESDOC~1\F3\FORM\PUBLICA\AVI (gouv.qc.ca)
  4. Pour déposer une demande au TAL : Procédures de dépôt d’une demande | Tribunal administratif du logement (gouv.qc.ca)

 

 
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